L’impact des problèmes des États-unis sur votre taux d’intérêt

On entend souvent que l’économie canadienne est directement affectée par les décisions prises aux États-Unis. La raison est que notre voisin est notre partenaire d’affaires principal ET détient la monnaie d’échange mondiale la plus importante. Donc si le Canada importe des fruits et légumes, on paie en dollar américain. Si on achète du pétrole à l’étranger, on paie aussi en dollar américain. En fait, nous payons toutes nos importations en dollar américain. Vous comprendrez donc pourquoi les politiques monétaires des Américains et les événements majeurs qu’ils vivent ont tendance à avoir des répercutions sur notre économie.

Voici un court rappel des événements ayant affligés les États-Unis depuis le 8 mars dernier:

  • 8 mars: faillite de la Silvergate Bank;
  • 10 mars: faillite de la Silicon Valley Bank;
  • 12 mars: faillite de la Signature Bank.

De plus, la FED (banque centrale principale des États-Unis), a pris la décision de rehausser son taux directeur de 0.25%, ce qui crée un écart de 0.50% avec le taux directeur de notre banque centrale.

Mais quel peut bien être l’impact de tout ça sur les taux d’intérêts offerts au Canada? Creusons un peu.

8 mars 2023: Les faillites des banques américaines

Saviez-vous qu’il y a plus de 4000 banques aux États-Unis? Il y a les grands noms comme Chase ou Wells Fargo, et il y a les petites banques communautaires qu’on ne retrouve que dans une ville et qui n’ont pas de succursale. Saviez-vous aussi que la majorité de l’argent qui est déposé par les clients dans un compte bancaire ne reste pas réellement dans les comptes? Cet argent peut être prêté à autrui à un taux largement supérieur que celui donné au client dans son compte épargne ou peut servir à investir dans des obligations émises par le gouvernement, des bons du trésor ou des titres adossés à des créances hypothécaires (mortgage-backed securities). L’avantage d’investir en lieu « sûr » plutôt que de prêter directement aux consommateurs est un rendement « sans risque ». Tout ce que l’institution financière doit faire est récolter les intérêts promis par l’investissement et récupérer son capital investi à l’échéance qui peut être dans 6 mois, 1 ans, 10 ans ou même plus, tout dépendamment de l’obligation prise.

En mars 2020, au début de la crise de la pandémie, la FED a enlevé la limite minimale de la réserve que doit conserver en tout temps une banque afin que ces dernières puissent prêter plus d’argent pour stimuler l’économie. Étant craintives de l’économie, mais voyant cela comme une opportunité de faire plus d’argent, la plupart des banques en ont profité pour placer les dépôts à un endroit « sûr », même si le rendement est moins grand. Ils ont donc opter pour investir à haut volume dans des obligations qui leur rapportaient environ 2% par année (je n’ai pas le chiffre exact, mais entre 2% et 2.5%). Ce qu’ils n’avaient pas pris en compte est que les taux d’intérêt remonteraient en 2022 de manière significative, ce qui viendrait dévaluer leur portefeuille d’obligation. La raison est très simple: Si je vous donne le choix entre acheter des obligations vous rapportant 5% d’intérêt ou racheter mon portefeuille qui n’en rapporte que 2%, vous choisirez certainement l’option des nouvelles obligations à 5%. Donc si j’ai besoin de vendre mon portefeuille d’obligation me rapportant 2% par année, je devrai le faire à perte pour que l’acheteur ait le même rendement sur son investissement que s’il achetait directement des coupons garantissant un rendement supérieur.

Il faut comprendre qu’en temps normal, ça n’aurait pas nécessairement été un grave problème, car l’argent qu’a investi les banques est principalement des dépôts à plus long terme qu’on fait les gros dépositeurs comme les compagnies et les gens très fortunés. Cependant, le stress causé sur l’économie par les hausses récentes des taux d’intérêt a forcé plusieurs compagnies ayant utilisé le crédit comme levier à retirer leur argent pour rembourser une partie de leurs dettes. Qu’arrive-t-il si trop de dépositeurs retirent et qu’il n’y a plus assez d’argent dans la réserve de la banque pour couvrir tous les retraits? Cette dernière doit vendre ses obligations à autrui, et comme les taux ont augmenté considérablement, elle doit les vendre à perte. Ce qui signifie que si tous les clients veulent retirer leur argent, il n’y a plus assez d’argent, un point c’est tout. C’est exactement ce qui s’est produit le 10 mars et le 12 mars dernier avec la Silicon Valley Bank et la Signature Bank (le cas de la Silvergate Bank est différent et ne sera pas abordé dans cet article). Il s’est su qu’il manquerait potentiellement d’argent dans les comptes des dites banques et les clients se sont tous rués pour retirer leur argent. C’est ce qu’on appelle une ruée bancaire (bank run en anglais).

Le marché obligataire canadien a interprété cet événement comme étant largement déflationniste, ce qui a fait reculer le rendement des obligations fixes 5 ans de 0.80% et de manière similaire pour les obligations fixes 2 ans.

rendements

Comme les taux d’intérêt des banques se fient beaucoup sur les rendements obligataires fixes 5 ans, il y a eu une légère baisse au niveau des taux offerts par les banques versus ce qui était offert à la fin février et au début mars (avant les événements). Cela dit, l’impact réel sur les taux disponibles a été, dans certains cas, jusqu’à 0.40%, mais pas vraiment plus.

Toutefois, pour conserver la confiance des gens envers le système bancaire américain, la FED ainsi que la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) n’ont pas vu d’autre choix que de prendre des mesures d’urgence pour dédommager tous les dépositeurs ayant perdu leur argent dans les récentes faillites des banques et pour mettre en place un programme temporaire permettant aux banques d’emprunter pour une période d’un an l’équivalent de l’argent investi dans les obligations à leur valeur initiale, ce qui les assurent de pouvoir combler tous les retraits des dépositeurs sans faire défaut (du moins pour un an). La FED a donc ajouté 300 milliards de dollars supplémentaire à son bilan (voir charte ci-dessous) pour l’instant. Cette action vient prévenir la large déflation qui aurait due se produire avec la perte d’argent et d’emplois causée par les ruées bancaires. Et si ça n’avait pas été de ce geste, la peur aurait probablement causé plusieurs autres fermetures de banques et la dégringolade aurait été encore plus spectaculaire, mais le peuple et les entreprises en aurait largement soufferts.

fed reserve

22 mars 2023: La hausse du taux directeur de la FED

Nous avons déterminé dans un premier lieu que la crise bancaire du mois de mars a eu un effet déflationniste qui a été stoppé par les autorités en place, ce qui a mené à une réduction des taux d’intérêts fixes offerts au Canada pouvant aller jusqu’à 0.40% sur certains termes.

Cependant, la FED, comme la Banque du Canada, est toujours en guerre contre l’inflation beaucoup trop élevée (toujours à 6% au mois de février dernier aux États-Unis). Je vous rappelle que le mandat de la banque centrale est de conserver le taux d’inflation à un niveau dit raisonnable de 2% année après année. Malgré la crise bancaire, la FED a décidé d’ajouter une hausse supplémentaire de 0.25%, ce qui mène son taux directeur à 5%.

Au Canada, le taux directeur est présentement à 4.5%, ce qui signifie que nous avons un écart de 0.5% avec les États-Unis. À court terme, ça ne fait pas une grosse différence, mais si la situation perdure et que cet écart devient trop grand durant trop longtemps, la Banque du Canada se verra obligée de conserver son taux directeur à un niveau similaire à celui que nous avons actuellement tant et aussi longtemps que notre voisin ne changera pas sa trajectoire. Il serait même possible que pour ne pas prendre un trop grand recul, la Banque du Canada se voit obligée de remonter à nouveau son taux directeur, ce qui signifierait que nous verrions peut-être des taux encore plus élevés qu’actuellement durant les prochaines années.

Conclusion

À court terme, la crise bancaire des Américains nous permet de profiter de taux légèrement plus bas que ce qu’on a pu voir depuis de le début 2023. Il est très accessible de signer présentement pour un taux sous la barre du 5%. Cependant, il n’est pas dit que le combat contre l’inflation est terminé. Au contraire, à mon avis, nous devons nous attendre à faire face à des taux d’intérêt similaires ou plus élevés que ceux offerts en ce moment pour les prochains temps. Combien de temps? Je ne peux vous dire, mais il est important de s’y préparer.

Mes conseils

En ce moment, si vous avez la chance de signer un taux sous la barre du 5% et que vous êtes confortable avec le paiement, prenez-le. Si vous avez peur d’être pris et de manquer des opportunités durant votre terme, choisissez un prêt à taux fixe plus flexible. Oui, ça existe. Lisez cet article pour en apprendre sur les différents calculs de pénalités disponibles sur le marché.

Si vous avez des dettes à un taux d’intérêt de plus de 7%, essayez de les régler le plus rapidement possible, car ce sont elles qui vous coûtent chères:

  • Cartes de crédit;
  • Marges de crédit personnelles;
  • Prêts d’auto (plusieurs créanciers offrent des taux d’intérêt de 8-9% et même plus sur les voitures depuis l’été 2022);
  • Prêts personnels.

Vous pouvez refinancer votre propriété en cours de terme avec la majorité des prêteurs. Renseignez-vous sur vos options. Si vous ne savez pas si c’est quelque chose de possible pour vous, communiquez avec moi.

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